Dans deux arrêts récents, le Conseil d’Etat est venu préciser les hypothèses permettant à une collectivité territoriale de justifier d’un intérêt suffisant pour agir à l’encontre d’une autorisation environnementale. En l’occurrence, les deux arrêts portaient sur la question de l’implantation de parcs éoliens sur différentes communes.
Un recours avait été formé par le département de la Charente-Maritime contre une autorisation de parc éolien sur le territoire des communes de Chambon et Puyravault. [1] De l’autre côté, la région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint Hilaire et de Meillers (n° 470723) contestaient l’autorisation de cinq aérogénérateurs sur la commune de Gipey. [2]
Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que :
« (…) une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue ».
Plus précisément, les intérêts visés par l’article L181-3 du code de l’environnement portent sur les dangers et inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.
Alors, dans ces affaires, quelles sont les collectivités qui se sont vu reconnaître un intérêt à agir et pourquoi ?
- Pour la région
La région Auvergne-Rhône-Alpes faisait valoir, pour justifier de son intérêt à agir, qu’elle avait défini, au sein de son schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) des objectifs et des règles portant sur le développement de l’énergie éolienne.
Cependant, le Conseil d’Etat est venu rappeler que l’article L251-1 du code général des collectivités territoriales confie uniquement à la région la responsabilité de fixer des objectifs de moyen et long termes ainsi que des règles permettant de contribuer à atteindre les objectifs fixés.
La région n’est donc investie d’aucune responsabilité en matière de protection des paysages et de la biodiversité contre les atteintes que l’installation d’éoliennes pourrait provoquer sur son territoire.
En conséquence, l’autorisation environnementale concernant l’implantation d’un parc éolien n’est pas susceptible de porter atteinte aux intérêts dont la région à la charge.
La région ne justifie donc pas d’un intérêt suffisant pour agir à l’encontre de cette autorisation.
- Pour le département
De la même manière que pour la région Auvergne-Rhones-Alpes, le département de la Charente-Maritime ne justifiait d’aucune compétence propre et n’a donc aucune responsabilité en matière de protection de l’environnement, des paysages ou du patrimoine, d’aménagement du territoire ou de lutte contre l’effet de serre par la maîtrise et l’utilisation rationnelle de l’énergie.
Tout comme la région, le département ne dispose donc pas d’un intérêt suffisant lui permettant de contester une autorisation environnementale accordée sur son territoire.
- Pour la commune
A contrario des régions et des départements, les communes conservent la possibilité de contester une autorisation environnementale.
En effet, selon le Conseil d’Etat, les communes peuvent être spécialement affectées par la délivrance d’une autorisation environnementale. Cela s’explique à la fois par leur situation, leur proximité ou encore par les intérêts dont elles ont la charge.
En l’espèce, les communes de Meillers et de Saint-Hilaire justifiaient d’un intérêt à agir suffisant puisque le projet affectait directement la qualité de leur environnement et impactait leur activité touristique, en raison notamment de nuisances paysagères et patrimoniales par la proximité ou covisibilité du site d’implantation du projet avec plusieurs monuments historiques.
La porte reste donc ouverte pour les communes souhaitant lutter contre une autorisation environnementale portant sur leur territoire, à la condition toutefois de démontrer qu’elles soient impactées par le projet envisagé.
[1] CE, 1er décembre 2023, req n° 467009
[2] CE, 1er décembre 2023, req n° 470723