Le code rural a doté le maire de pouvoirs de police spéciale portant sur les animaux dangereux, notamment les chiens. Décryptage et mode d’emploi à l’usage des élus.
Qu’est-ce qu’un chien susceptible d’être dangereux ?
Le code rural définit deux catégories de chiens susceptibles d’être dangereux[1] :
- La première catégorie vise les chiens d’attaque (par ex. les pit-bulls)
- La deuxième catégorie vise les chiens de garde et de défense (par ex. les rottweilers)
La répartition des chiens entre ces deux catégories est faite par arrêté des ministres de l’intérieur et de l’agriculture. L’arrêté actuellement en vigueur est celui du 27 avril 1999 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000005627880/2023-11-02/
Tout le monde peut-il détenir un chien dangereux ?
Le code rural prévoit 4 cas dans lesquels il est impossible pour une personne de détenir un chien dangereux[2] :
- Si elle est âgée de moins de 18 ans ;
- Si elle est placée sous tutelle et que le juge des tutelles ne l’a pas autorisée à détenir le chien ;
- Si elle a été condamnée pour crime ou à une peine d’emprisonnement avec ou sans sursis pour délit inscrit au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
- Si la propriété ou la garde d’un chien a été retirée, sans dérogation à cette interdiction.
Par ailleurs, les articles L211-13-1 et 14 code rural imposent à tout propriétaire ou détenteur d’un chien dangereux d’être titulaire notamment :
- D’une attestation d’aptitude, délivrée après une formation portant sur l’éducation et le comportement canins, ainsi que sur la prévention des accidents[3].
- D’un permis de détention délivré par le maire, justifiant notamment de la stérilisation obligatoire des chiens d’attaque (1ère catégorie), mâles et femelles. Le silence gardé par le maire durant plus de 2 mois vaut rejet de la demande de permis de détention.
Les pouvoirs normaux du maire pour les chiens susceptibles de présenter un danger
L’article L211-11 du code rural dispose que : « Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou, à défaut, le préfet peut prescrire à son propriétaire ou à son détenteur de prendre des mesures de nature à prévenir le danger. Il peut à ce titre, à la suite de l’évaluation comportementale d’un chien réalisée en application de l’article L. 211-14-1, imposer à son propriétaire ou à son détenteur de suivre la formation et d’obtenir l’attestation d’aptitude prévues au I de l’article L. 211-13-1.»
A l’occasion de l’évaluation comportementale, le vétérinaire classe le chien selon un des 4 niveaux de dangerosité (le niveau 1 pour les chiens ne présentant pas de risque particulier, 2 dangerosité faible, 3 dangerosité critique, 4 pour les chiens dangerosité élevée).
Si le propriétaire ou le gardien de l’animal n’exécute pas les mesures ordonnées, le maire peut, à l’issue d’une procédure contradictoire permettant au détenteur de présenter ses observations, placer l’animal dans un lieu de dépôt prévu à l’article R211-4.
Si, après 8 jours de placement, le propriétaire ne présente pas toutes les garanties sur les mesures prescrites, le maire peut, également à l’issue d’une procédure contradictoire et après avis du vétérinaire désigné par la préfecture, autoriser à euthanasier l’animal ou à en disposer selon les modalités prévues à l’article L211-25 du code rural.
Les pouvoirs étendus du maire en cas de danger grave et immédiat
En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou, à défaut, le préfet peut ordonner par arrêté (sans mise en demeure du propriétaire) que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant (sans attendre le délai de 8 jours) faire procéder à son euthanasie.
1. La loi institue une présomption de danger grave et immédiat dans plusieurs situations :
– Lorsque le chien en question relève de l’une ou l’autre des catégories de chiens susceptibles d’être dangereux et dont le propriétaire est frappé par l’un des 4 cas dans lesquels il est impossible de détenir un chien dangereux.
– Lorsque le chien se trouve dans un lieu où sa présence est interdite.
A ce titre, les chiens dangereux de 1ère catégorie ne peuvent pas accéder aux transports en commun, aux lieux publics (sauf voie publique) et aux locaux ouverts au public[4].
- Lorsque le chien circule sans être muselé et tenu en laisse.
Les chiens dangereux des deux catégories ne peuvent accéder à la voie publique et aux parties communes des immeubles collectifs que s’ils sont muselés et tenus en laisse par une personne majeure.
S’agissant des chiens de 2ème catégorie, ils peuvent accéder aux transports en commun, aux lieux publics ainsi qu’aux locaux ouverts au public, mais sous réserve qu’ils soient muselés et tenus en laisse par une personne majeure[5].
- Lorsque le propriétaire du chien n’est pas titulaire de l’attestation d’aptitude.
2. Le Maire peut ordonner, par arrêté, deux types de mesure[6] :
- D’abord, il peut ordonner le placement du chien dangereux dans un lieu de dépôt adapté pour qu’il soit gardé
En pratique, par exemple, le Maire peut se rapprocher des services de la Ligue de protection des animaux (LPA) pour qu’ils interceptent l’animal et le conservent.
- Ensuite, le Maire peut faire procéder à son euthanasie
En pratique, l’euthanasie peut intervenir sans délai, dans le respect de l’avis du vétérinaire désigné par le Préfet.
Si le vétérinaire ne rend pas son avis à l’issue d’un délai de 48h après le placement du chien, il est réputé y être favorable.
Le propriétaire de l’animal a la possibilité de former un recours contre l’arrêté du maire ordonnant le placement et/ou l’euthanasie devant le Tribunal administratif pour en obtenir l’annulation, et de former parallèlement un référé-suspension d’afin d’obtenir la suspension de la mesure.
C’est ainsi que le cabinet a défendu une commune confrontée à un chien s’étant attaqué à des enfants, ce qui avait conduit le maire à prendre un arrêté d’euthanasie. Saisi en référé-liberté, le juge a validé la mesure :
- « Dès lors, compte tenu de la réitération des morsures, de l’appréciation portée par le vétérinaire sur la dangerosité du chien et alors qu’il n’est pas établi que l’animal aurait mordu dans un but défensif et que les personnes qu’il a attaquées auraient eu des gestes agressifs à son encontre et eu égard à la circonstance que les mesures proposées par Mme X consistant à poser une caméra de surveillance et des barreaux aux fenêtres de son domicile et à se rapprocher d’associations de protection animale sont insuffisantes pour diminuer l’agressivité de son chien vis-à-vis de certaines personnes à l’extérieur qu’il ne connaît pas dont des enfants, le maire de Y., en ordonnant l’euthanasie du chien « B », n’a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété de la requérante. » (Ordo. juge ref. lib. TA Lille, 6 nov. 2023, n°2309584)
Enfin, lorsque le Tribunal administratif suspend la décision d’euthanasie, ce n’est pas pour autant que le propriétaire peut récupérer son chien[7].
Par ailleurs, le code rural prévoit que tous les frais avancés pour la capture, le transport, la garde et l’euthanasie de l’animal doivent être intégralement et directement mis à la charge du propriétaire du chien[8].
[1] Art. L211-12 du code rural : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019065649
[2] Art. L211-13 du code rural : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006583052/2023-11-02
[3] Art. L211-13-1 du code rural : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019065631/2023-11-02
[4] Art. L211-16, I du code rural : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006583059
[5] Art. L211-16, II du code rural : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006583059
[6] Art. L211-11 du code rural : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022200153/2022-05-01
[7] CE, 8 février 2006, Commune de Sainte-Maxime, n° 276047 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008258810?init=true&page=1&query=276047&searchField=ALL&tab_selection=all
[8] Art. L211-11 du code rural : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022200153/2022-05-01